André Roulleaux Dugage, pouvez-vous nous rappeler votre parcours ?
Je suis né le 29 septembre 1961 à Brest. Je suis issu d’un milieu bourgeois classique qui n’appelle aucune méritocratie particulière. La famille de mon père est d’origine de Basse Normandie et de forte influence bretonne, lui était officier de marine, ancien pilote de chasse de l’aéronavale, puis il a commandé des bâtiments. Il a ensuite travaillé dans le privé. Il est décédé l’an dernier.
Ma mère, d’origine sud-américaine, avait un père d’origine bretonne venu faire de l’élevage en Uruguay puis au Brésil, nous a donné le goût de l’exotisme, de la mixité culturelle et des choses originales. Elle vit actuellement à Paris le difficile parcours difficile des personnes en perte d’autonomie.
J’ai passé mon enfance entre Brest, Washington DC (USA), Toulon puis Buc, près de Versailles où j’ai vécu durant les années 70. Je suis ancien élève de l’Ecole Saint Jean de Béthune à Versailles où j’ai passé mon bac série D. Je suis parti ensuite sur Paris où j’ai fait mes études de droit à Nanterre tout en militant en tant qu’animateur radio pour la libéralisation des ondes (notre radio émettait avec d’autres, notamment Radio Nova, de nuit sur toute la région parisienne). Nous étions même soutenus par le Canard Enchaîné qui nous donnait des exclusivités. C’était un beau combat dont je garde d’excellents souvenirs.
Ayant vu ensuite les conditions lamentables dans lesquelles les socialistes et le ministre Georges Fillioud, avaient cassé cette libéralisation au profit des radios commerciales comme NRJ au détriment des radios associatives, nous avons été liquidés en 1983. J'ai alors trouvé un boulot d'étudiant à mi temps au centre des impôts de Neuilly sur Seine (stage de six mois en plus de mes études - très instructif) puis au sein d'une PME industrielle de traitement des eaux située au Vésinet où j'étais chargé de gérer les prospects. Ceci jusqu'à mon service militaire.
J’ai été ensuite admis au barreau après deux maîtrises en droit des affaires et carrières judiciaires, dont une passée à distance durant le service militaire.
J’exerce la profession d’avocat depuis fin 1988. Après avoir évolué dans le milieu de l’assurance, de la finance et de l'immobilier je me suis installé à mon compte en 1997 en tant que « généraliste affaires » avec une clientèle plutôt orientée dans l’hôtellerie, la gestion immobilière type professionnel (industrie notamment), la gestion des sinistres et le droit des PME PMI.
Je suis marié depuis 1990 et père de quatre beaux grands fils, Clément, Joseph, Félix et Gilles. Ma femme est universitaire de formation et juriste spécialisée dans le droit des marques. Elle est actuellement chef de service à l’INPI.
Nous nous sommes installés à Houilles suite à l’arrivée de notre quatrième enfant en juillet 2000. J’ai tout de suite apprécié cette ville, son centre ville et son marché, le comportement souriant de ses habitants. Tous nos voisins ont été sympathiques et nous ont tous très bien accueillis.
Vos origines politiques plus précises ?
Mon grand-père paternel a été député de l’Orne à partir de 1930 sous la IIIème République. Appartenant à la droite modérée et républicaine, il a aussi été longtemps maire d'un important bourg, Saint Bômer les Forges. C’était un fin dilettante de très grande culture, réputé pour ses talents de caricaturiste et de musicien. Très favorable à l’éducation populaire et à l’enseignement de la culture et des langues, il parlait parfaitement l’anglais et l’allemand, et connaissait l’arabe, ayant vécu un certain temps au Maroc.
Au côté de son ami ministre de l’Education Nationale Louis Marin, il a servi les anciens combattants de la Grande Guerre dont la situation était difficile, il a fortement milité en faveur du vote des femmes, de la défense des familles et du milieu agricole. Réélu sous le Front populaire, il était intervenu à la Chambre en faveur de Salengro que les socialistes avaient mollement délaissé à la vindicte populaire, d'où son suicide. Il entretenait aussi des rapports très ouverts avec des gens comme Georges Mandel ou Salomon Grumbach qu’il appréciait beaucoup même s’ils n’étaient pas du bord politique. Il détestait Laval et sa coterie affairiste de radicaux socialistes collabos d’où sont sortis Déat, Sarrault, Bousquet, Papon et tant d’autres, s’agissant pour lui d’une bande d’opportunistes pseudo pacifistes sans foi ni loi vendus aux nazis dés le début de la guerre.
Il faisait partie de ces élus oeuvrant dans l’ombre en zone occupée durant la guerre pour protéger les victimes de la barbarie nazi : il avait fait installer avec mon père dans sa propre mairie une fabrique de faux papiers, pour empêcher des départs au STO et placer des fugitifs juifs ou des évadés de camp en tant qu’ouvriers agricoles chez des exploitants amis. Il avait fait ensuite installer dans son domaine l’hôpital de Flers qui venait d’être bombardé. Il a également protégé mon père qui était entré dés l’année 40 dans la résistance sur Paris (dénoncé puis interné à Fresnes en 1943, il s’en est sorti par miracle tandis que ses comparses partaient en déportation à Auschwicz. Son meilleur ami y est mort. Un seul, le fameux avocat corse Jean Baptiste Biaggi, qui était le chef du réseau, a réussi à s’évader du train alors qu'il était blessé de guerre, et a été bizarrement pris en charge par un de ses amis corses, dénommé de Peretti della Rocca, qui était préfet de Pierre Laval à Reims et dont le fils était responsable de la milice locale ; gràce à quoi ledit Peretti a pu être blanchi lors de l'épuration ...
Mes grand parents avaient alors vécu une descente de la Gestapo française de Pierre Bonny à leur domicile parisien puis deux descentes de SS chez eux en Normandie, la seconde ayant abouti au départ en déportation d’une nurse irlandaise que nous avons ensuite adopté ensuite comme notre grand-mère. Comme ils avaient été prévenus à temps par leur réseau politique, tous les papiers compromettants : tracts, exemplaires du journal "Combat" dirigé par un célèbre résistant de l'époque Henri Frenay, aujourd'hui tombé dans l'oubli.
Sa femme de ménage et ma tante m’ont décrit cela comme une descente aux enfers, où ils se voyaient tous alignés contre un mur et exécutés sommairement. La Normandie était alors une zone ultra militarisée, fréquemment bombardée par les Alliés, proche de la zone de débarquement prévisible. La guerre éclair d’août 44 avec des villes rayés de la carte par les bombardements y a laissé de sacrés traces.
Très déprimé à la fin de la guerre par la perte de ma grand-mère, mon grand père a arrêté la politique pour se consacrer uniquement à son village et il a passé le relais à l’un de mes oncles qui était avocat à Paris. Celui-ci n'a été réélu sous la IVème et s'est consacré à son village de Rouellé tout en étant conseiller général de l'Orne jusqu’à ce que des problèmes de santé l’oblige lui aussi dans le courant des années 70 à « lever le pied ».
Quant à mon père, il était militaire et a donc renoncé à toute activité politique. A l’occasion de son entrée dans la marine nationale en 1942, il a mal vécu, étant sur place en tant qu’élève officier, le sabordage de la flotte à Toulon. C’était un gaulliste, plutôt anti-parlementaire en réaction à ce que son propre père avait vécu et à ce qu'il avait vu lors de la débacle. Il appréciait Pierre Mendes-France sur la « nécessaire décolonisation » et à ses yeux, l’Algérie française était un mythe éculé qui ne tenait pas la route.
Nous sommes de tradition catholique avons des ascendances protestantes du côté de mon père, ce qui a pu nourrir une indépendance d’esprit plutôt caustique. Nous apprécions les choses intelligentes, humoristiques, belles et originales.Nous n’avons à cet égard pas grand-chose en commun avec Madame Boutin que je considère très contreproductive des idées qu’elle est censée défendre.
Votre profession d’avocat ?
Durant les années 90, j’ai travaillé sur Paris dans un cabinet très « introduit » qui conseillait notamment dans le secteur banques-assurances. Confronté rapidement aux nombreuses affaires politico-financières du moment, intervenant dans des secteurs très variés (agricole, hospitalier automobile, industrie …) un peu partout en province pour le compte des banques centrales, j’ai été témoin privilégié de mises en examen de notables en tout genre (anciens ministres, députés, vice présidents de région, etc …). J’ai vu de près les réseaux d’influence, le mélange des genres, la corruption, les suicides des « second couteaux», l’esprit de soumission de hauts magistrats opportunément fatalistes, les «petits copains », les comportements « ceintures et bretelles », bref, toutes ces ambiances miteuses à la Claude Chabrol sans oublier les relations houleuses avec la presse régionale, souvent inexacte et affabulatrice en matière de faillite d’entreprise … A la longue, je me suis lassé de cette ambiance vaseuse de capitalisme à la française. J’ai alors rompu avec un de mes patrons tout en conservant l’estime des autres et je suis parti monter mon propre cabinet où j’ai pu enfin mener mes activités de conseil et de défense comme je l’entendais dans la défense notamment des petites PME industrielles dans leurs déboires immobiliers. Cette expérience du barreau m’est fondamentale et a beaucoup nourri ma réflexion politique.
Vos hobbies ?
J’ai appris la musique depuis que j’ai 11 ans, d’abord en tant que percussionniste, puis je suis passé à la guitare, puis la basse, et un peu de piano. Je suis un autodidacte. J’aime l’harmonisation, l’arrangement et la direction d’orchestre mais reste un mauvais mélodiste. Ayant monté quelques orchestres sur Versailles, j’ai arrêté durant les années 85-90 avec l’arrivée des « home studios » toute pratique collective que j’ai reprise ensuite après être arrivé à Houilles en me faisant inscrire au conservatoire, en section jazz où je suis toujours, fidèle au poste de bassiste puis contrebassiste depuis un bon bout de temps. C'est une activité qui équilibre mon égo et que je n'arrêterai jamais.
J’ai également monté il ya quelques années pour le plaisir avec des amis quadras et quinquas un orchestre de rock blues qui tourne un peu à l’occasion en région parisienne. Là aussi, c’est une activité inhérente à ma personne que je n’arrêterai jamais, sauf cas de force majeure.
Je me suis également occupé de mouvement de jeunesse, en tant que trésorier pendant huit années d’un important groupement local sur Carrières sur Seine, où je me suis occupé de tenir les comptes, mais aussi de former les jeunes encadrants à la gestion financière de leurs projets, ce qui n’était pas une mince affaire.
Sinon j’apprécie le jardinage et le bricolage, les grandes marches à pied en montagne ou dans la campagne et les activités de mer (plongée, natation, voile).
Votre engagement politique ?
Après le séisme de 2002 (arrivée de le Pen au 2ème tour des Présidentielles), j’ai décidé de m’engager politiquement et suis allé à l’UDF derrière François Bayrou que j’appréciais alors. J’ai choisi les Yvelines pour éviter certains réseaux déplaisants et j’ai été alors accueilli par André Vanhollebeke (maire de Louveciennes) qui est resté un ami qui m'a bien conseillé même si nous ne nous voyons plus beaucoup. J’ai été élu très rapidement conseiller national et désigné délégué adjoint de la 4ème circonscription des Yvelines. J’ai ensuite créé une antenne UDF à Houilles à partir de laquelle nous avons piloté localement la campagne UDF MoDem pour les présidentielles et les législatives 2007 sur le canton de Houilles Carrières. Les scores ont été alors très corrects, parmi les meilleurs des Yvelines.
J’ai ensuite monté une liste locale pour les élections municipales sous étiquette dont j’ai refusé de prendre la tête pour raisons personnelles et puis aussi, parce que je me méfiais du nouvel arsenal du Mouvement Démocrate. Nous avons connu un score minoritaire certes mais en progression par rapport aux précédentes législatives. Il faut dire que nous n’étions pas bien préparés et que nous découvrions les élections locales par nos propres moyens. Pour un coup d’essai, on s’en est pas mal sorti.
Votre expérience MoDem ?
Je n’ai pas envie de m’étendre sur cette expérience. Disons que le « MoDem » a été victime d’une guerre interne entre « libéraux » et « radicaux », ces derniers étant systématiquement soutenus par le siège. L’influence grandissante des « radicaux » au niveau de l’encadrement a provoqué beaucoup de défection parmi ceux issus de la société civile qui souhaitaient innover et faire de la politique autrement. Du coup, le rassemblement n’a pu se faire. Notre petite cellule locale autour de la 4ème et 5ème circonscription a alors explosé sous les coups de boutoir de certains « petits chefs » sans envergure.
Compte tenu des claques électorales qui s’en sont suivi et d’autres incidents à l’occasion de mon entrée au Conseil municipal en octobre 2011 (notamment mon ex- tête de liste qui s’est présenté contre moi lors de la recomposition des commissions administratives et a été élu par la majorité municipale), j’ai considéré avoir soldé mes comptes avec le MoDem et j’ai tiré ma révérence. Je n’aime pas perdre mon temps dans des entreprises absurdes.
Et l’UDI ?
L’UDI reste un groupe parlementaire sous influence du Parti Radical (de droite) majoritaire en son sein et qui tient l'exécutif et la commission d'investiture. Or, je n'ai rien à voir avec les radicaux, qu'ils soient de droite ou gauche, car ils entretiennent une vision bipolaire de la politique et ne sont pas membres de la famille centriste. Monsieur Rossinot, Président honoraire du Parti Radical, le reconnait lui-même et c’est tout à son honneur de dire la vérité : l’UDI reste une alliance entre radicaux de droite et élus du centre-droit.
De plus, si les radicaux existent encore à droite et à gauche, c’est en fait surtout par la grâce de l’UMP et du PS : si ces deux partis décidaient de s’en défaire en présentant des candidats contre eux, leurs élus ne tiendraient pas très longtemps.L’UDI n’est pas à mon sens suffisamment fondé, intègre et indépendant pour être un parti politique à part entière. Cela viendra peut-être dés lors que le parti Radical cessera son emprise et que les autres forces internes s'organiseront.
Même si j’ai de l’estime pour certains UDI comme Jean Louis Bourlanges et Charles de Courson, tout comme pour certains MoDem comme Yan Wehrling, Sylvie Goulard et François Bayrou, je ne crois pas que cela soit très utile ni très intéressant en l’état actuel des choses pour les Ovilloises et les Ovillois de subir l’influence de l’UDI ou du MoDem.
Nous sommes devenus par la force des choses résolument apolitiques, c'est-à-dire au dessus des partis et c'est ainsi que nous entendons gagner la confiance de nos électeurs. Endosser le label d'un parti politique, c'est nécessairement perdre des voix...
Nous avons créé notre propre bannière plus libérale « Initiatives Démocrates – Développement Ovillois » porteuse d’un projet important en termes de démocratie locale, de dynamisme économique et de défense des intérêts locaux. Notre démarche vient même d’être copié par d’autres centristes, ce qui est bon signe quelque part.
En dépit des vents mauvais, la crise économique aidant, vers un certain fascisme ambiant pseudo-républicain, nous restons des humanistes réformateurs de progrès, nous croyons en l’homme dans ses actions et dans ses créations, nous respectons ses origines, ses libertés, sa religion ou non-religion, et ses autres orientations.
Nous sommes des démocrates de rassemblement au service d’une nouvelle économie plus dynamique, plus ouverte et plus respectueuse de ses véritables contraintes sociales et environnementales. Nous ne craignons pas la mondialisation qui peut être un facteur de partage de connaissances et de pacification mondiale.
Notre pays a surtout besoin de grands démocrates pour reprendre confiance en lui.
La démocratie implique de nouveaux pouvoirs partagés. Et ce qui est partagé est de fait multiplié. Il faut également le respect des droits et devoirs de chacun.
Pour le moment, les démagogues de droite comme de gauche faussent la donne, elle empêche le pays d’être lucide et d’avancer. Notre pays a pris un retard considérable par rapport à ses voisins et ce retard perturbe toute avancée européenne. L’Europe ne se fera pas sans la France qui est à son carrefour.
Et votre expérience en tant qu’élu ?
Soyons clairs, j’ai certainement été l’élu municipal le plus mal accueilli de toutes les Yvelines. Le maire s’est comporté de manière lamentable à mon encontre. Et l’opposition de gauche a fait écho en m’attaquant avec beaucoup de sottise par voie de presse dés mon arrivée. Et je n'ai eu en définitive aucun soutien sérieux de mon parti de l'époque (le MoDem).
Comme je l’ai dit plus haut, j’ai été ensuite écarté des commissions préparatoires par suite de manoeuvres assez lamentables entre le maire et notre ex-tête de liste. Le Préfet a été saisi par mes soins et a forcé le maire à faire élire notre ex tête de liste contre ma candidature dans les commissions.C’est ainsi que le maire m’a désigné comme étant son principal opposant. Et quelque part, je m’en félicite.
Saisi du rabotage injustifié de nos tribunes libres, le Tribunal Administratif de Versailles a d’abord accepté de veiller à régler rapidement le dossier : je dispose d'ailleurs d’une lettre du greffe en ce sens. Mais par suite d’un changement de magistrat-rapporteur, son instruction est actuellement bloquée pour des raisons qui m'échappent, probablement par suite d'une intervention.
Toutes ces petites mesquineries ne grandissent pas notre ville.
Ceci démontre le fond du problème, à savoir que nous sommes localement confrontés à un système de baronnie locale, de coterie à bout de souffle, de copinage ostentatoire et de gabegie. C’est une parodie de démocratie locale encouragée par la docilité d’un conseil municipal coincé dans sa bulle.
Ce passage reste une expérience dure mais intéressante où j’ai pu évaluer certains comportements courageux et où j’ai pu surtout commencer à auditer la ville, à vérifier ce qui n’allait pas.
Reste à partager cette expérience avec d’autres, à multiplier nos forces et à aller de l'avant.